Coup de projecteur sur les officiels

L’athlétisme en général manque cruellement d’officiels qui veulent bien passer du temps (beaucoup !) pour qu’une compétition se déroule de manière fluide, dans les règles, et qu’au final athlètes et entraineurs soient satisfaits. L’athlétisme handisport n’échappe pas à cette réalité mais peut s’appuyer sur Hervé Jacquot et Lucile Govaere, deux officiels internationaux, membres de la commission, qui sont le socle de la compréhension et de l’organisation de toutes compétitions nationales ou internationales handisport en France et à l’étranger.

Coup de projecteur sur ces officiels de l’ombre, amoureux et grands connaisseurs d’athlétisme. Retrouvez ensuite les neuf questions que l’on a osé leur poser, au risque de se faire disqualifier !

C’est en 1968 que tout commence pour Lucile Govaere. Athlète de demi-fond à Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, elle décide de passer le diplôme de Juge arbitre régional à la suite d’un refus d’homologation d’un record de France minime, au cours d’une compétition à laquelle elle assistait, par manque de juges compétents. « Avec mon entraîneur, l’impossibilité de valider cette performance nous a choqué, raconte-t-elle, je me suis donc décidé à passer mon diplôme. Au moins, il y aurait une juge supplémentaire sur le département ». Tout en continuant sa carrière d’athlète, qui lui a apporté quatre participations aux championnats de France (800m et cross), elle passe ses diplômes d’entraîneur et continue de grimper dans la hiérarchie des officiels pour finalement devenir en 1995 Juge arbitre fédéral FFA, « celui ou celle qui regarde tout afin que le règlement soit bien appliqué ». Elle exercera cette fonction notamment aux championnats du monde en salle à Paris-Bercy en 1997.

C’est en 2004 que l’histoire de Lucile Govaere avec le Handisport commence suite à un coup de fil de Patrice Gergès, directeur sportif à l’époque, qui cherche un juge pour officialiser une compétition. « Je connaissais un peu le handisport, explique-t-elle, et cela m’a intéressé de m’y investir. En 2006, j’ai passé l’examen d’Officiel technique international de l’IPC et depuis je suis devenu formatrice en allant à l’étranger ou en faisant passer un diplôme de base à des juges FFA en France, afin qu’ils aient non seulement un acquis s’ils devaient juger de leur côté mais que l’on puisse également compter sur eux de manière pérenne ». Depuis dix ans, Lucile Govaere n’a manqué aucune compétition nationale sur le territoire français et a officié aux mondiaux de Lyon en 2013. Il paraît que ça va continuer encore quelques années…

Hervé Jacquot est un homme du Doubs, là où le climat peut être rude mais où les cœurs se réchauffent vite. Il a ses idées, les défends, les mets en application et peut les imposer aussi. Mais toujours à l’écoute, si l’argumentaire en face de lui tient la route il sait aussi s’adapter et donner le change.

Dans le milieu de l’athlétisme valide depuis le début des années 80, bon junior à 7m09 au saut en longueur, une vilaine blessure au tendon d’achille oblige Hervé Jacquot à stopper rapidement sa carrière à 23 ans. La logique voudrait qu’il entraîne mais cet habitant de Dole décide de passer ses diplômes d’officiels au sein de la Fédération Française d’Athlétisme, « entraîner ce n’était pas mon truc, ça ne m’intéressait pas ». Après plusieurs années d’apprentissage et de pratique il deviendra Juge arbitre fédéral ce qui lui permet d’officier dans toutes les grandes compétitions nationales et internationales, comme les championnats du monde en 2003 à Paris ou les championnats d’Europe à Bercy en 2011, d’être formateur et examinateur.

Sa première rencontre avec le Handisport date de 2005 à l’occasion des championnats de France interclubs organisés à Pontarlier, sa région, où tous les clubs du coin étaient sollicités pour mettre la main à la pâte. L’expérience lui a plu, « l’ambiance aussi » et voilà que l’histoire dure jusqu’à aujourd’hui.

Entre-temps, Hervé Jacquot a apporté tout son savoir-faire, s’est chargé de la gestion complète des compétitions nationales depuis 2007, « On a apporté au fur et à mesure une vraie tenue à ces compétitions, à la manière des compétitions FFA », et a établi une table de cotation « remise à jour à chaque fin de saison » afin dedonner de la cohérences aux performances. Au final, cet investissement prend beaucoup temps tant sur le plan professionnel que familial mais « ce n’est que du bonheur ». Alors…

Les 9 questions que l’on a osé leur poser…

1- Etre officiel, ça a l’air facile !

Hervé – « Beaucoup de gens le disent c’est vrai mais je défie tout le monde de le faire. Connaître l’athlétisme sous toutes ses coutures, la pratique, le règlement, l’organisation, c’est du travail. Maintenant, un juge peut être bon rapidement s’il a une expérience et la connaissance du milieu. Cela ne demande pas forcément beaucoup d’années de pratique. »

Lucile – « D’abord c’est une fonction qui prend beaucoup de temps sur la vie personnelle, il faut être très souvent disponible que ce soit le week-end ou le soir en semaine. Ensuite, il faut se tenir à la page des changements de règlement qui interviennent tous les deux ans, il faut actualiser son savoir. Enfin, il faut prendre sur soi dans certaines situations ce qui n’est pas toujours simple. Alors non, facile ce n’est pas le mot »

2- Ca a l’air ennuyeux !

Hervé – « Pas du tout ! Il y a toujours quelque chose à faire, être sur le terrain, au secrétariat, à filer un coup de main dans l’instant ou se pencher sur un règlement. On est des polyvalents. Et puis, on sait que l’on peut toujours compter sur toi, comme lors des derniers championnats d’Europe au Pays de Galles, j’étais resté en France, où un membre de l’équipe de France m’appelle pour un point de règlement. C’est un rôle qui me va bien ».

Lucile – « Dans l’absolu, ça peut l’être mais personnellement je ne me suis jamais ennuyée. Apporter ce que l’on sait faire pour que cela se passe bien, c’est une satisfaction. La plus belle récompense c’est le sourire de l’athlète qui a réalisé sa performance dans de bonnes conditions, ça justifie tous les efforts ».

3- Pourquoi devenir officiel ?

Hervé – « C’est la fibre de chacun. J’ai un caractère qui peut être sec par moments, ça peut servir en tant que juge. Mais en même temps, ce n’est pas un rôle ingrat car les athlètes notamment handisport sont sensibles au fait qu’on leur explique les choses. Il y a un côté pédagogique certain à cette fonction ».

Lucile – « Autant aider plutôt que d’être spectateur. Si on peut apporter quelque chose pour rendre la compétition plus fluide, c’est mieux que de rester toute la journée dans les tribunes je trouve ».

4- Que détestes-tu dans cette fonction ?

Hervé – « Gérer le facteur humain quand en face de moi la personne dit connaître le règlement, alors qu’elle n’y connaît rien ou bien l’a inventé, et vient te dire ses quatre vérités. La personne peut ne pas savoir, pas de problèmes, on est là pour transmettre aussi, mais il faut qu’elle soit à l’écoute de ce que l’on dit ».

Lucile – « C’est un tout, on est obligé de tout faire et franchement rien ne me dérange dans ma fonction. Mais je pourrai dire que je n’aime pas trop l’entraîneur qui ne connaît pas le règlement et surtout qui ne l’accepte pas. Tout le monde est à égalité au départ d’une compétition et il est hors de question de changer le règlement pour un cas individuel ».

5- Que préfères-tu dans cette fonction ?

Hervé – « L’athlète, le coach, le dirigeant qui vient s’informer, il faut lui apporter une information. Cet échange est enrichissant ».

Lucile – « Le contact avec les gens, les athlètes, la confiance que l’on me donne et qu’il y ait de nouveaux juges avec l’envie de s’investir ».

6-Quel est ton plus grand regret ?

Hervé – « Je n’en ai aucun. Pour moi, être juge ce n’est que du bonheur ».

Lucile – « De ne pas avoir connu de Jeux Paralympiques pour le moment et de me battre avec mon anglais (rires) ».

7- Ta plus grande fierté ?

Hervé – « D’avoir permis la requalification pour la finale du 4x100m debout aux mondiaux de Lyon en 2013. Avec les bons documents et les bons arguments on a montré que la disqualification était injuste, le relais a pu finalement courir la finale le lendemain et prendre la 3e place. Pour moi, cela a été un moment très fort ».

Lucile – « J’arrive à bien gérer le stress car en compétition il n’y pas droit à l’erreur, il faut savoir tout bien faire. Il faut également être sûr de soi dans les moments chauds. J’avoue que c’est une satisfaction d’y arriver ».

8- Ton souhait pour l’avenir ?

Hervé – « J’aimerai bien connaître les Jeux Paralympiques et je souhaite qu’il y ait de la relève ».

Lucile – « Surtout qu’on me le dise si je ne conviens plus. Je ne veux pas faire l’année de trop et je ne veux surtout pas m’accrocher à mes postes. Je souhaite aussi qu’il y ait une relève et c’est pour cette raison que l’on a mis en place des formations diplômantes à la FFH. Mais tant que tout va bien, j’irai le plus loin possible ».

9- Une anecdote ?

Hervé – « Lors de ma participation aux France interclubs de 2005, j’ai failli mettre dehors un gars qui venait dans le secrétariat, interdit au public, pour discuter. C’était Olivier Deniaud, le directeur des équipes de France, que je n’avais jamais encore rencontré ! »

Lucile – « Lors des championnats de France en 2007, à l’issue d’un 400m fauteuil je parle à un athlète qui a mordu la ligne dans un virage, je lui signale. Pour sa défense il me dit que normalement il n’y a jamais de juges, je lui réponds que dorénavant il y en a et que ça risque de continuer »

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