A la rencontre des Bleus … Episode 6

Clavel Kayitare a été sacré champion d’Europe du 100m en 2014. Il revient sur la saison écoulée et aborde les prochains rendez-vous internationaux, et ses ambitions de podiums.

Que retenez-vous de votre aventure européenne à Swansea ?

C’est d’abord la médaille d’or obtenue sur 100m, qu’on est allé chercher avec les entraîneurs. Ça faisait longtemps que je n’étais pas monté sur la plus haute marche du podium.

Que retenez-vous de la saison 2014, de manière générale ?

Ce fut difficile en terme chronométrique, car les conditions météorologiques n’étaient pas là pour faire des chronos (championnats de France et championnats d’Europe sous la pluie). Je n’ai pas pu faire des chronos extraordinaires. Après, sur les compétitions, c’est la victoire qui prime avant le chronomètre. Je me suis préparé dans les conditions que j’ai pu avoir, parfois difficiles. Ça n’a pas toujours été évident de s’entraîner dans de bonnes conditions.

Quels seront vos principaux objectifs jusqu’à Rio ?

Encore une fois, au niveau de la préparation, même si j’ai tout ce qu’il faut, certains paramètres font que je ne peux pas me préparer dans les meilleures conditions. Je me débrouille comme je peux. Pour les Mondiaux, comme à chaque grand championnat, l’objectif sera de monter sur la boîte, et de ne pas faire de la figuration. En sachant bien que c’est de plus en plus compliqué, avec la concurrence et la technologie qui progressent. Je ne m’alignerais que sur 100m. J’ai mis le 200 m de côté. En 2004, j’étais le meilleur sur 200m alors que maintenant je me retrouve dernier, et paradoxalement je bats mon record à chaque fois. Je n’aime pas me fixer d’objectifs chronométriques, car on ne sait jamais dans quelles conditions on va courir. Je n’aime pas annoncer un chronomètre en début de saison. Si on force trop pour atteindre un objectif temporel, on risque de se blesser. Je ferai simplement de mon mieux pour être en forme avant d’aborder les Mondiaux et les Jeux.

Pensez-vous déjà à Rio ? Si oui, quels y seront vos objectifs ?

Oui, Rio c’est dans ma tête depuis Londres. Si je n’y vais pas pour le podium, ça ne sert à rien d’aller au Brésil, autant rester à Paris. Depuis que j’ai commencé, ça a toujours été mon état d’esprit.

Jo Maisettti est le coach de Clavel Kayitare, champion d’Europe en 2014 sur le 100m. Il revient sur sa relation avec l’athlète ainsi que sur la saison 2014 et les futures échéances.

Quel rapport entretenez-vous avec Clavel Kayitare ?

C’est une personne très attachante de part son histoire humaine et ce qu’il dégage. On ne peut pas ne pas avoir de lien très fort avec lui, il ne laisse personne indifférent. On développe des liens au-delà de ceux que l’on peut tisser avec un sportif, notre relation est très profonde. On se voit très souvent, presque tous les jours. Et lorsqu’on fait un petit break, on reste en relation téléphonique. On est très proches.

Comment le définiriez-vous ?

C’est un compétiteur né, il a une ténacité à toute épreuve et rien ne le décourage. Il a une adhésion à tout ce qu’on peut proposer, et le désir de se perfectionner. Par exemple, avant, il prenait le départ debout. Au moment des Jeux de Pékin, il a été victime des nouveaux règlements qui n’autorisaient qu’un seul faux départ, car c’est plus compliqué de garder sa stabilité quand on part debout, alors qu’il était prétendant à une médaille. Normalement, ce sont des choses qui vous laissent à terre, mais Clavel est reparti de l’avant en travaillant un départ accroupi pour éviter ce genre de mauvaises surprises. Mais au bout de deux ans, on s’est aperçu que le départ accroupi était un vrai handicap pour lui, athlète ayant une jambe raide. Grâce au travail, il a réussi à trouver la meilleure position de départ pour lui, de telle manière qu’il est parvenu à avoir des résultats avec un départ accroupi. Il a réussi à trouver lui même la solution, il se connaît bien, il possède un pouvoir de connaissance énorme. Il exploite le moindre détail qui lui permettra de s’approcher des meilleurs mondiaux. Il est sans cesse à la recherche de l’efficacité, tout en restant lucide pour ne pas en faire trop. Il a trouvé le juste équilibre.

Clavel, c’est aussi un enrichissement pour l’ensemble de son entourage. Dans notre club (à Issy les Moulineaux), on ne sépare pas les « valides » et les « handisport ». Le rayonnement de Clavel permet de booster les autres. C’est un exemple pour ses partenaires d’entraînement.

Comment jugez-vous sa saison 2014, et plus particulièrement les Championnats d’Europe ?

Depuis 2002, il était toujours sur la deuxième marche du podium dans les différents rendez-vous internationaux (vice-champion du monde en 2002 et 2006, double vice-champion paralympique en 2004 notamment).  Mais cette fois, le rendez-vous de Swansea lui a donné encore plus envie de poursuivre jusqu’au Jeux.

Toutefois, il est de plus en plus désavantagé sur 200m par rapport à ses concurrents possédant des lames. Par exemple, aux Jeux de 2012, il battait son record personnel de 20 centièmes quand un concurrent Allemand avec une lame l’améliorait de 84 centièmes. C’est pour cela, en plus du fait de l’âge et de la pratique qui usent l’athlète, qu’il a décidé de ne se consacrer uniquement qu’au 100m, car la différence était trop injuste sur 200m. Et on essaie de gagner quelques petits centièmes sur la ligne droite, en travaillant sur le plan de la musculation et de la coordination.

Quel sera le travail à effectuer pour atteindre les objectifs jusqu’au Jeux Paralympiques de 2016 ?

Comme je l’ai dit avant, Clavel ne va se consacrer qu’au 100m, car on est trop désavantagé sur 200. On va essayer de retrouver un départ debout lui assurant de ne pas se faire pénaliser par le règlement draconien, mais aussi d’améliorer ses qualités physiques (la mobilisation de la cheville de sa jambe handicapée par exemple). Ça va être un travail de très grande haleine pour travailler l’ensemble des petits détails. Les Mondiaux d’octobre prochain, pour lesquels Clavel est déjà qualifié en tant que champion d’Europe, seront sur le chemin des Jeux. Il faudra que Clavel y soit au mieux dans l’optique de Rio.

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