La Commission à l’horizon 2016

La saison 2014-2015 démarrant à peine, nous avons voulu faire un état des lieux de l’athlétisme handisport, aussi bien sur le plan national qu’international, en compagnie du directeur sportif Julien Héricourt, en place depuis cinq ans maintenant. Trois temps vont nous permettre de mieux comprendre comment cette discipline s’est structurée depuis toutes ces années, et comment elle est encore vouée à évoluer.

Passé 2009-2012 : Un nouveau management

Julien Héricourt, en 2009, vous devenez coordinateur sportif de l’athlétisme handisport, titre qui deviendra directeur sportif un peu plus tard. Comment avez-vous commencé votre action ?

Je me suis tout de suite appuyé sur les personnes déjà en place au sein de la commission car, en toute honnêteté, je n’avais pas assez de vécu pour tout révolutionner tout seul. D’ailleurs l’idée n’était pas de tout changer d’un coup mais plutôt d’avancer sur de nouveaux projets, au fur et à mesure. D’où la création de groupes de réflexion et la volonté de se réunir en équipes afin d’échanger et de trouver de bonnes idées.

Quelles ont été vos premières constatations en arrivant à la tête de l’athlétisme handisport français ?

Beaucoup de choses avaient été pensées et faites pour le haut-niveau, et cela était tout à fait légitime. Mais on ne s’occupait pas assez des jeunes et de la base. Ainsi, très rapidement un référent « jeunes » a été nommé afin de se concentrer en permanence sur ce sujet, et d’apporter des idées. Il y a eu d’autre part, la volonté de s’appuyer sur les structures locales de la fédération afin que le licencié ne s’adresse pas directement au siège pour n’importe quel sujet. Nous avons également voulu être un bain bouillonnant d’idées afin d’innover et de répondre aux attentes du milieu handisport.

Quelles actions concrètes sont sorties de ce bain bouillonnant ?

Nous avons remis au goût du jour, avec une nouvelle formule, les Championnats de France interclubs qui ont vu chaque année le nombre de participants augmenter. Nous avons également porté un nouveau regard sur les formations avec un certificat diplômant ; sur la communication avec un site web ludique et actualisé et une présence sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, le suivi des jeunes a été renforcé avec, notamment, des stages plus pointus, enfin, le chemin de sélection pour les compétitions internationales a été éclaircie et présenté à tous les acteurs de l’athlétisme handisport national. Si, admettons-le, cette grande envie de changement a été plus longue que prévue dans certains domaines, car nous fonctionnons avec des bénévoles qui donnent le temps qu’ils peuvent donner, je pense que nous avons bien avancé sur cette période, même si tout n’a pas été parfait.

Les 4 médailles d’or des Jeux de Londres en 2012, soit 50% du total des médailles d’or de la délégation paralympique tricolore, sont-elles le fruit de ces actions ?

Très sincèrement non. Londres, c’est le résultat des athlètes déjà présents en 2008 à Pékin qui ont progressé et qui ont montré qu’ils pouvaient gagner ou monter sur un podium. Donc tout le mérite leur revient. Par contre, il est vrai que dès les mondiaux de 2011 en Nouvelle-Zélande, j’ai voulu apporter une nouvelle forme de management vis-à-vis du staff et de l’équipe. J’ai souhaité que les techniciens ne se concentrent que sur la performance, et qu’ils soient totalement déchargés de la logistique, de la communication et de la gestion de vie du collectif France. Cette façon de faire a certainement allégé le staff en place sur le terrain.

Quels sont les points positifs et les négatifs que vous dégageriez de cette période ?

Nous avons réussi à faire adhérer de nouveaux acteurs et contributeurs pour faire vivre l’athlétisme handisport, tout en gardant les anciens. C’est très important pour moi d’avoir réussi à garder des compétences, tout en y apportant de la fraîcheur. A mes débuts à ce poste, je me suis senti parfois un peu seul car il y avait beaucoup de choses à gérer au quotidien. A la fin de cette période, tout s’est rééquilibré.

Après « Passé 2009-2012, Un nouveau management » publié le 25/09/2014, voici « Présent 2013-2014, Les premiers résultats ».

2013 est l’année des Mondiaux organisés à Lyon, suivent en 2014 les championnats d’Europe au Pays de Galles. Quels bilans sportifs tirez-vous de ces deux événements ?

Ce qui me vient tout de suite à l’esprit, c’est l’émergence de jeunes athlètes talentueux au sein de l’équipe de France. Je crois que Lyon 2013 est le premier vrai résultat de la politique « Jeunes » que nous avons essayé de mettre en place depuis 2009. L’organisation de stages, le suivi sur le terrain avec l’optique de ces Mondiaux en France ont permis d’intégrer de nombreux athlètes. Voir de nouvelles têtes monter sur les podiums, ou tout simplement tout donner pour le maillot tricolore, j’avoue que je suis fier de cela. A Swansea au mois d’août dernier, on a pu voir que certains de ces jeunes étaient toujours là, d’autres arrivaient, ce qui montre également que la place en équipe de France n’est jamais acquise.

Lyon 2013 a donc été une belle fête ?

Oui, il y a eu une belle communion avec le public, c’était important. En interne, j’ai constaté beaucoup d’enthousiasme et d’échanges entre les athlètes qui découvraient le haut niveau international et les autres, plus expérimentés. Cela a créé une bonne dynamique de groupe. De nouveaux leaders se sont également dégagés avec notamment Marie-Amélie Le Fur, que nous avons choisi comme capitaine pour 4 ans jusqu’aux Jeux de Rio en 2016. Elle remplit parfaitement son rôle tout en étant performante, ce qui n’est pas si simple, surtout dans sa catégorie. Au final, je dirai que cette compétition a été une belle aventure humaine.

Comment avez-vous vécu la 21e place au bilan des nations ?

Sur le strict plan comptable, bien sûr que ce n’était pas satisfaisant, mais nous préparions déjà Rio, et à une médaille d’or près, nous n’étions pas loin de l’objectif top 15 que nous nous étions fixés. Donc je n’ai pas vécu cela comme un échec, loin de là.

Les championnats d’Europe avec 20 médailles dont 8 en or vous ont-ils rassuré ?

Nous avons toujours eu une équipe de France compétitive. Les athlètes que nous sélectionnons ont tous le potentiel pour être finalistes ou médaillés. En deux ans, nous avons renouvelé 50% de l’équipe de France et intégré de nombreux jeunes. Lyon 2013 et Swansea 2014 ont été des étapes importantes, mais nous n’avons fait que la moitié du chemin. Je demande à ce que notre travail et cette équipe soient jugés après les Jeux de Rio. Maintenant, les résultats des Championnats d’Europe parlent pour nous. Ils ont été bons car il est toujours difficile d’aller chercher les podiums et les titres. Il ne faut absolument pas minimiser cette compétition européenne. Mais, au-delà du bilan comptable, je remarque que la France tient son rang dans bon nombre de disciplines et dans pratiquement toutes les catégories de handicaps, c’est également très important à mes yeux.

Sur le plan national et concernant l’organisation de l’athlétisme handisport, comment la direction sportive a-t-elle avancée durant ces deux années ?

Elle n’a pas avancé au rythme que je souhaitais, il faut l’admettre. Nous avons eu un peu de mal à nous caler rapidement sur le projet fédéral. Nous avons été pris par le haut-niveau, non seulement avec les compétitions mais également avec la création d’un Pôle athlétisme jeunes à Lyon et une nouvelle organisation de travail avec Jean-Baptiste Souche, nommé Directeur sportif adjoint en charge du haut-niveau. Il a fallu que tout le monde s’adapte à un nouvel organigramme, expliquer qui fait quoi, et accepter de faire bouger les choses. Mais après un an d’adaptation, il me semble que tout est clair à présent pour tout le monde et que les projets nationaux et locaux vont pouvoir voir le jour dès cette saison.

Futur 2015-2020 : Programme XL

Comment voyez-vous l’évolution de l’athlétisme handisport dans les deux prochaines années ?

Nous devons offrir une pratique plus élargie de notre sport notamment en mettant au cœur du système les régions par le biais de l’animation territoriale. Il est important de toucher les jeunes là où ils habitent. C’est pour cette raison que le Challenge National des -16 ans va voir le jour dès 2015. Nous allons organiser des phases de qualification régionales sous forme de triathlon (course, saut, lancer). Le simple fait de participer à ce challenge en région permettra de participer à la finale qui se déroulera à Paris au stade Charlety, au mois de juin, en même temps que les championnats de France Open.

La base avec le haut-niveau en somme ?

Disons que ce format de compétition permettra de réunir toute la famille de l’athlé handisport. Les jeunes, l’élite, et tous les compétiteurs sans notion de minima. J’ajoute que les étrangers seront autorisés à participer à ces France qui deviendront ainsi Open.

Ce sont des idées novatrices qui peuvent interpellées mais que vous assumez ?

Totalement ! Depuis six ans que je suis directeur sportif, je n’ai jamais été seul dans la réflexion et j’ai toujours voulu échanger mais je sais où je veux aller et où je veux amener tous les acteurs de l’athlétisme handisport. Depuis toutes ces années, la commission s’est intéressée à tout en donnant le meilleur d’elle-même. On n’a peut-être pas été bon partout mais on a été là, sur le terrain, à l’écoute. Maintenant sur les nouveaux projets nous devons être plus performants et avancer plus vite, j’ai envie de motiver tout le monde dans ce sens. C’est pourquoi ces projets de Challenge National et de France Open me tiennent à cœur. C’est le moyen de s’intéresser à ce qui se passe localement, d’amener encore plus de jeunes à découvrir la pratique, et de voir ce qui se passe ailleurs avec la venue d’athlètes étrangers.

Les Mondiaux au Qatar en 2015 et les Jeux Paralympiques de Rio en 2016 sont les prochains grands rendez-vous, quels vont être les objectifs de l’équipe de France ?

Nous irons à Doha en octobre de l’année prochaine avant tout pour aller chercher des quotas pour les Jeux de Rio. Plus nous serons performants au Qatar plus il y aura de la place potentielle en équipe de France pour 2016. Je souhaite que nous ramenions quatre médailles d’or des Jeux, comme à Londres en 2012. Rien ne sera simple bien entendu mais je pense qu’avec les athlètes internationaux que nous avons actuellement et la génération montante, c’est envisageable.

Vous avez déjà une idée de la préparation de l’équipe de France en amont des mondiaux 2015 ?

Je pense qu’il y aura un stage hivernal et un autre au mois d’août. La préparation terminale en septembre se déroulera dans les clubs. Il est important de proposer des regroupements pour proposer un suivi médical, des conditions d’entraînements optimisées et aussi continuer à souder le collectif. Cela a un coût mais avec notre nouveau partenaire Malakoff Médéric, je pense que nous pouvons être ambitieux sur les conditions de ces stages. Enfin, le retour dans les clubs avant le départ pour Doha doit permettre de retrouver la sérénité de son lieu d’entraînement habituel, de peaufiner les détails avec les coachs persos qui font un très bon travail sur le terrain.

Vous vous projetez sur 2016-2020 ?

Je projette l’athlétisme handisport oui ! Les régions et les départements, avec un suivi et un accompagnement de la commission, doivent pouvoir être autonomes au final. Le Pôle athlétisme, déjà existant à Lyon, doit être une vraie plate-forme pour les jeunes, leur donner le goût de la culture athlé et les mener vers le haut-niveau tout en leur donnant les moyens d’une formation et d’un suivi scolaire. On doit également redynamiser la pratique en fauteuil avec des regroupements, du matériel, et une saison cohérente entre la route et la piste. L’athlé loisir doit également être au cœur de nos préoccupations. Pourquoi pas des centres d’entraînement l’été où l’on passerait des vacances sportives ? Enfin, je souhaite que l’équipe de France retrouve le Top 10 des nations entre 2016 et 2020. Pour cela il faut dégager les moyens humains et financiers nécessaires. Certains dispositifs comme le parcours d’excellence sportive sont mobilisables. Nos partenaires peuvent également nous aider dans ce sens.

Vaste programme !

Vaste programme c’est évident mais pas impossible ! J’y crois et je crois également à l’ensemble des acteurs de l’athlétisme handisport, dont bien entendu les membres de la commission, pour s’engager dans cette voie.

Propos recueillis par Renaud Goude

PARTAGER : Share on FacebookTweet about this on TwitterEmail this to someonePrint this page
Classé dans :
Toute l'actualité