Eclairage sur la pratique des sourds et malentendants

La Fédération Française Handisport a accueilli au sein de son mouvement les déficients auditifs en 2008. Voilà désormais deux ans qu’Angélik Fillippa est devenue la référente « sourde » de la commission athlétisme, à la demande de Julien Héricourt, le directeur sportif. Après s’être « découvert, il est temps à présent de vivre ensemble » et de « mutualiser les moyens » comme le précisent les deux dirigeants à qui nous avons laissé la libre parole sur le sujet.

Angélik Fillippa « Je suis éducatrice spécialisée pour les jeunes déficients auditifs depuis dix ans maintenant au CESDDA « Paulin Andrieu » de Toulouse. Cet établissement spécialisé soutient la pratique de l’athlétisme handisport, ce qui m’a permis d’enrichir une expérience professionnelle que je transmets aujourd’hui à mes divers interlocuteurs de la FFH. J’ai intégré la commission d’athlétisme handisport il y a deux ans, avec pour principale mission de suivre les athlètes sourds et malentendants sur les compétitions et de participer à la détection des jeunes sourds sur le territoire. Cette place au sein de la commission a été le premier pas d’une volonté d’intégrer réellement cette population. Cette reconnaissance évolue dans le bon sens grâce à l’écoute et aux échanges possibles avec le directeur sportif de cette commission, Julien Héricourt.

Il y a actuellement une quarantaine d’athlètes sourds licenciés à la FFH et il faut s’en occuper. La commission a fait le choix de les accueillir sur tous les stages nationaux et de mettre les moyens nécessaires pour une communication adaptée à l’athlète accueilli. Durant toutes les étapes de sélection nationale, je m’assure que l’athlète puisse vraiment comprendre ce qu’on lui demande ou ce qu’il a à faire. Le travail en collaboration avec les entraîneurs de terrain est indispensable. La notion de l’abstrait est compliquée pour eux, notamment pour les plus jeunes, ainsi tout passe par la communication en temps réel afin de donner du sens aux consignes. L’athlète doit comprendre le message sinon il ressent une injustice et s’isole. Cette prise en charge permet, avec du recul, d’intégrer réellement l’athlète sourd et de créer un lien de confiance avec les entraîneurs, qui eux aussi développent leur communication en langue des signes. Ainsi les plus anciens n’ont plus besoin de moi comme passerelle d’échanges et s’intègrent très bien dans un groupe « oralisant » car le lien est créé et la reconnaissance obtenue. J’assure alors le suivi des performances et recueille les besoins spécifique de chaque athlète.

Les sourds peuvent participer à toutes les compétitions sur le territoire national mais il faut reconnaître qu’il n’est pas simple de les accueillir correctement. Sur place, il faudrait des traducteurs en permanence, cela demande des moyens humains et financiers conséquents. Dans le développement du projet d’accompagnement de l’athlète sourd au sein de la FFH, la commission athlétisme tente de répondre à cette demande et essaie d’être novatrice pour la saison à venir.

Au sein de la FFH, il existe une commission pour les sourds mais peu de liens se font avec les différents référents des autres commissions. Je pense que des temps d’échanges entre ces référents et les membres de la commission « sourds » permettraient de mutualiser les moyens, être force de proposition et développer des projets tels que la mise en place des critériums pour les jeunes. Cela permettrait aussi d’avancer plus vite dans une réflexion commune, afin de faire profiter des actions mise en place par la FFH à un plus grand nombre de jeunes qui font du sport, et notamment de l’athlétisme dans les établissements spécialisés. Ils ne demandent qu’à sortir de leur isolement en s’entraînant avec d’autres athlètes en situation de handicap.

Pour conclure, je m’étais donnée une mission de développement de l’accueil de la personne sourde au sein de l’athlétisme handisport sur une période de cinq ans. A ce jour, des actions ont pu être réalisées et j’en suis satisfaite. Le chemin est encore long pour avoir l’espoir de créer un véritable groupe athlétisme médaillable aux prochains Deaflympics, l’équivalent des Jeux Paralympiques (les sourds ne sont pas encore rattachés à l’IPC et ont leurs propres compétitions internationales). Le monde des sourds doit se mobiliser pour ces jeunes et nous devons continuer nos actions pour soutenir ces sportifs. Rendez-vous pour un bilan après les Deaflympics de juillet 2017 en Turquie !

Julien Héricourt « On souhaite accompagner Angélik Fillipa dans ses nombreux projets dans la prise en compte du handicap et dans la connaissance de la culture sourde. Depuis deux ans et son entrée dans la commission c’est le but. Angélik Fillipa est entendante, c’est important sur le plan de la communication entre nous, ainsi elle nous fait partager ses connaissances et nous pouvons en discuter clairement. Nous réfléchissons à peut-être proposer un autre format de classement dans nos compétitions. Les athlètes sourds se sentent pénalisés par la table de cotation existante. La performance de référence pour calculer le coefficient est proche du niveau des valides. Certains athlètes sourds ont boudé nos compétitions car ils ne jouaient plus de place sur les podiums. On aimerait également avoir au moins un athlète sourd dans les académies de jeunes que nous mettons en place à Toulouse et à Garches, et pourquoi pas bien sûr, au Pôle athlé de Lyon. Il faut également que les athlètes sourds puissent se confronter à l’international, en plus des Deaflympics organisés tous les quatre ans. Nous avons trois à quatre athlètes qui sont dans une logique de performance et qui se situent proche du haut niveau. Une intégration en stage équipe de France avec les autres handicaps est tout à fait possible, nous l’avons fait par le passé. Chez les espoirs, depuis deux ans nous sommes sur une dynamique d’intégration et sur une démarche d’optimisation de l’entraînement. Au final, nous avons tous les outils mais il nous faut prendre le temps de vivre ensemble et d’échanger encore plus afin de savoir mieux les utiliser. Le plus grand défi sera de remettre en place un critérium national des jeunes sourds pour faire de la détection ».

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